
Vous pouvez commenter le tout premier Code de pratique sur le poisson au Canada
La pisciculture (qu’on connaît également sous le nom ‘d’aquaculture’) est devenue plus populaire au cours des dernières décennies, tout comme les préoccupations entourant le bien-être que suscitent les parcs surpeuplés de poissons où ils sont soumis à des méthodes douloureuses et stressantes, comme les autres animaux d’élevage.
Photo de dessus : Saumon sauvage nageant en amont. Les saumons sont des poissons migrateurs et parcourent naturellement de grandes distances en mer.
Les poissons ressentent-ils la douleur? En 2018, on posait cette question dans les publications d'information grand public en anglais, comme le Smithsonian Magazine, le Washington Post, le Guardian, l’Independent et CBC.
En 2017, le documentaire intitulé Blue Planet II permettait à des millions de gens de se rapprocher plus que jamais de ces animaux aquatiques et nous présentait même une vidéo d’un Choerodon utilisant des outils pour obtenir des aliments et d’un poisson-anémone s’efforçant ensemble d’atteindre un aliment.
Au fur et à mesure qu’on recueille des éléments de preuve, il devient plus difficile de nier que les poissons sont intelligents et capables de ressentir la douleur et la souffrance. Les poissons sont des animaux doués de raison et les consommateurs sont de plus en plus préoccupés par la façon dont ils sont traités par l’homme, en particulier lorsqu’on les capture pour s’alimenter. Il est important de mettre en place des normes strictes pour les protéger des conditions et des pratiques qui sont source de stress et de douleur.
Entreprendre l'élaboration du premier Code de pratique pour les salmonidés d’élevage au Canada (saumon, truite, omble)
Face aux préoccupations grandissantes au sein de la population et de la reconnaissance croissante de ces réactions dans l'industrie de la pêche, le Conseil national pour les soins aux animaux d’élevage (CNSAE) procède présentement à l'élaboration du premier Code de pratique pour les salmonidés d’élevage au Canada (le saumon est l’espèce dont on procède le plus à l’élevage au Canada). Chaque comité d'élaboration du code compte des représentants issus de différents groupes d'intervenants, incluant un représentant du bien-être animal. À titre de membre du CNSAE, Protection mondiale des animaux a représenté le point de vue du bien-être animal en vertu de ce Code.
À l’instar de tous les codes de pratique du CNSAE, le comité scientifique du Code a établi les principaux enjeux liés au bien-être à partir des recherches les plus récentes et de l'expertise dans les domaines, comme la santé, le comportement et le bien-être du poisson. Le Code présente les recommandations et les exigences s’adressant à l'industrie aquacole dans les domaines, comme l’élevage, les mesures liées à la santé et aux maladies, l’impact du pou de mer sur le bien-être du poisson, le jeûne et le retrait des aliments, la densité d'empoissonnement, les problèmes de qualité de l’eau, l'éclairage et les photopériodes, les méthodes d’abattage, ainsi que d’autres sujets.
Tous les codes présentent un équilibre entre les intérêts pour l'économie, l'industrie et le bien-être, de sorte que certaines exigences ou directives ne sont peut-être pas aussi strictes que nous le souhaitions. Cependant, les Canadiens ont l'occasion d’exprimer officiellement leurs commentaires sur tous les codes du CNSAE, de sorte que vous pouvez vous prononcer sur le traitement du poisson dans les piscicultures canadiennes et aider ainsi à renforcer les exigences de l'industrie quant à la façon dont le poisson est traité.
La question du bien-être en pisciculture
À l’état sauvage, le saumon parcourt de longues distances (certains se déplacent sur plus de 3 000 kilomètres) pour migrer, alors que leurs comportements naturels reflètent ces distances phénoménales qu’ils sont habitués à parcourir. En captivité, cependant, le saumon dispose d’une fraction limitée de cet espace. À tout le moins, le saumon d’élevage devrait avoir de l’espace pour nager (sans être entassé) en plus d’être capable de faire de l’exercice. Pour ce faire, on devrait le placer dans des endroits où le courant est plus rapide pour lui permettre de nager.
Les densités d'empoissonnement (qu’on appelle également « biodensité ») dans les piscicultures sont variables et peuvent dépendre du système (terrestre ou en eaux libres), de l’amplitude de la marée et d’autres facteurs. Cependant, la densité d’empoissonnement représente un facteur important du bien-être et la recherche démontre que si le poisson est trop entassé à l'intérieur des réservoirs, il peut en résulter des blessures, comme des dommages aux nageoires pelviennes et des cataractes. La surpopulation a également des impacts sur la production – certaines recherches ont révélé que le poisson s’alimente moins lorsque la densité d’empoissonnement est élevée.
Le poisson fait régulièrement l'objet d’une manutention dans l'industrie aquacole pour effectuer des procédures, comme la vaccination et le classement. La manutention est une source de stress pour le poisson, puisqu’elle le rend plus sensible aux blessures en fonction de son âge, de sa santé ou de facteurs environnementaux. Ces conditions doivent être prises en compte au moment d’établir une norme en matière de bien-être lors de la manutention du poisson.
À l’instar des autres animaux d’élevage, le poisson peut ressentir inutilement un stress et des souffrances avant et pendant l’abattage. La méthode la plus humaine consiste à rendre le poisson inconscient avant de l’abattre. Le CO2 est une méthode fréquemment employée, mais on la considère généralement comme inhumaine, parce qu’elle est très douloureuse et entraîne une mort lente du poisson. Dans certaines parties du Canada, l’abattage par coulis de glace est une autre méthode inhumaine encore utilisée, qui consiste à placer le poisson encore conscient sur la glace pour ainsi l’asphyxier graduellement.
La méthode la plus humaine est l’étourdissement électrique, qui consiste à injecter un courant électrique dans l’eau, ce qui entraîne une mort presque instantanée.
Le saumon est habituellement privé d’aliments dans les piscicultures avant les activités d’élevage et l’abattage pour des raisons de bien-être (comme la diminution du nombre de blessures et du taux de mortalité), ainsi que pour des raisons d'hygiène. À l’état sauvage, le poisson peut traverser de courtes périodes où il est privé d’aliments et doit s’adapter. Cependant, les périodes plus longues lui causent un stress. Ainsi, le saumon ne devrait pas être privé d’aliments pendant plus de 48 heures. On considère généralement que cette durée est acceptable du point de vue du bien-être. Ce Code permet cependant de priver le poisson d’aliments jusqu’à sept jours, ce qui inacceptable.
Dans certaines piscicultures, on utilise un éclairage ininterrompu, qu’on associe à plusieurs effets négatifs sur le plan du bien-être, incluant des problèmes de développement neurologique, une diminution de la résistance osseuse, une piètre qualité des saumoneaux et smoltification une déficience au niveau de la fraie. Des systèmes favorisant un bien-être accru devraient être munis de systèmes d'éclairage dont l’intensité varie graduellement. Cependant, le Code exige un tel système uniquement pour les systèmes nouvellement construits et non pour les systèmes déjà existants. On devrait cependant l’installer de manière rétroactive dans les piscicultures actuelles.
Pendant bien des années, la présence du pou de mer dans les piscicultures a suscité des préoccupations importantes du point de vue environnemental, mais il s’agit là d’un autre problème de bien-être, puisqu’une infestation peut causer de la douleur et de la souffrance. Alors que les recommandations et les exigences du code visent principalement à éliminer le pou de mer et à surveiller les niveaux de pou de mer au sein de la population, on ne mentionne aucunement les mesures que le personnel devrait prendre lorsqu’il constate un ou plusieurs poissons recouverts de poux de mer et qui ressentent ainsi possiblement de la douleur ou de la souffrance. Par exemple, d’après les normes de bien-être de la RSPCA en ce qui concerne le saumon de l'Atlantique d’élevage, « tout poisson qui présente des dommages physiques graves attribuables au broutage par le pou de mer doit être retiré et éliminé immédiatement de façon humaine. » On devrait trouver un énoncé comparable dans ce Code.
Agissez – soumettez vos commentaires au sujet de l'ébauche du Code de pratique sur le poisson
Le tout premier Code fera l’objet d’une consultation publique jusqu’au 7 janvier 2021. Nous vous encourageons à soumettre vos commentaires officiels au CNSAE afin de démontrer que les Canadiens ont à cœur les soins et le traitement réservés au poisson. Comme tous les animaux d’élevage, le poisson ne devrait pas souffrir inutilement et on devrait en faire mention dans le Code de pratique. Vous trouverez ci-dessous des exemples de secteurs où les normes du Code devraient être plus strictes, mais n’hésitez pas à commenter également les enjeux qui sont importants à vos yeux.
Densité d'empoissonnement
Les pisciculteurs devraient être tenus d’assurer que la densité d'empoissonnement répond aux besoins en matière de bien-être des animaux.
On déclare, dans le Code qu’on « vise une biodensité qui produit des résultats correspondant à ceux présentés dans la colonne verte à l'annexe E – Indicateurs de bien-être des salmonidés d’élevage ». Il s’agit là essentiellement d’une recommandation, mais ce devrait être une exigence.
Les pisciculteurs devraient être tenus essentiellement d’assurer que la densité d'empoissonnement répond aux besoins en matière de bien-être des animaux – on ne devrait pas entasser le poisson,puisqu’il devrait être capable de nager.
Manutention
Le Code comporte plusieurs recommandations dont on devrait faire des exigences, puisque les producteurs ne se conforment habituellement qu’aux exigences présentées dans les codes. Ces recommandations consistent en :
- Disposer d’un personnel suffisant pour effectuer les opérations au moment opportun, ainsi que des outils et de l'équipement nécessaires et prêts avant de procéder à la manutention du poisson.
- S’efforcer de remettre le poisson à l’eau en moins de 30 secondes…
- Dans la mesure du possible, faire couler de l’eau sur les filets maillants au moment de sortir le poisson de l’eau.
- S’assurer de porter des gants en manipulant le poisson, ce qui l’empêche de glisser, de perdre son mucus et ses écailles.
Abattage
- Au 1er janvier 2024, on devra ne pas recourir à l’abattage par coulis de glace comme étant le seul moyen d’abattre le poisson. Cette méthode d’abattage est cruelle. Demandez au Comité du code de ramener l'échéance à 2022. Une année devrait suffire afin d’adopter ce changement.
- On devrait également préciser, dans les exigences, que l'utilisation du dioxyde de carbone est inacceptable.
Éclairage
Tous les sites, incluant les plus anciens qui ne prévoient pas effectuer de rénovations, devraient être tenus d’utiliser des systèmes d'éclairage qui modifient graduellement l’intensité de la lumière. Un éclairage constant, 24 heures sur 24, est inacceptable. Les variations abruptes du degré d'éclairage peuvent entraîner des blessures, la mortalité ou la suffocation du poisson. On doit donc en faire une exigence de toutes les installations qu’on devrait mettre en place graduellement d’ici 1 à 2 ans.
Retrait des aliments
Le code recommande à l'heure actuelle jusqu’à sept jours pour le retrait des aliments, mais cette période est trop longue. Le délai maximal de retrait des aliments devrait être inscrit dans les exigences, alors que ce délai ne devrait pas dépasser 48 heures conformément aux autres normes en matière de bien-être.
Pou de mer
Le code devrait être conforme à la norme de la Royal Society for the Prevention of Cruelty to Animals (RSPCA) en matière de bien-être du poisson qui consiste à euthanasier humainement le poisson infesté par le pou de mer. « tout poisson présentant des dommages physiques graves attribuables au broutage par le pou de mer doit être retiré et éliminé immédiatement de façon humaine. »