Occasions manquées de prévenir des catastrophes à Abbotsford, en Colombie-Britannique

13/11/2023

Si l’inondation dévastatrice qui est survenue en 2021 à Abbotsford, en Colombie-Britannique, a choqué de nombreux Canadiens et de nombreuses Canadiennes, il existe une longue histoire de catastrophes dans la région et de nombreuses occasions manquées par les autorités gouvernementales et le secteur agricole d’éviter des catastrophes similaires.

La ville d’Abbotsford se trouve sur les territoires traditionnels et ancestraux non cédés des Stó:lō Matsqui, de la Première Nation Sumas et des Premières Nations Kwantlen, ainsi que des Nooksacks. Ces communautés sont les premiers gardiens de cette terre et y vivent depuis des temps immémoriaux.

Malgré les pressions croissantes exercées par les changements climatiques, voici quelques conséquences de l’action ou de l’inaction du gouvernement sur la région :

La « ruée vers l’or » entraîne la colonisation de la vallée du Fraser. Cette « ruée » permet l’établissement d’une communauté agricole dans la vallée, tout en forçant les Premières Nations à quitter leurs terres et à s’installer dans des réserves.

D’autres pionniers s’installent sur les terres pour se livrer à l’élevage de bovins selon le modèle européen. La communauté agricole se rend compte que la région est particulièrement fertile grâce au débordement annuel du lac Sumas.

La Draining, Diking and Irrigation Act est adoptée par le gouvernement provincial. Des entreprises privées et des particuliers dirigent les travaux d’endiguement de la région et d’assèchement du lac.

Le niveau du fleuve Fraser monte de 4 pieds (1,2 mètre). Selon les archives du gouvernement provincial de l’époque, les eaux sont à une « hauteur jamais observée auparavant ».

Lors des inondations de 1876, une lettre est publiée dans le Mainland Guardian au nom de la communauté des pionniers-agriculteurs, demandant au gouvernement provincial d’endiguer la vallée. L’ingénieur Edgar Dewdney présente la première évaluation visant à protéger la région contre les inondations. 

Divers scandales politico-juridiques et l’inaction obligent les pionniers-agriculteurs à entreprendre eux-mêmes des projets d’endiguement à petite échelle.

Les inondations réduisent à néant tous les efforts déployés par les pionniers-agriculteurs au cours des deux années précédentes

Il s’agit de la première mention documentée d’animaux d’élevage « souffrant » à cause des inondations. Le gouvernement cesse d’apporter de l’aide aux pionniers-agriculteurs et renonce à toute discussion sur l’assèchement et l’endiguement du lac Sumas. 

La région devient une plaque tournante du transport de marchandises, ce qui entraîne une augmentation de la demande de produits agricoles et le passage d’une agriculture de subsistance à une agriculture de production. Parallèlement, l’afflux de nouveaux pionniers-agriculteurs accroît la vulnérabilité des animaux d’élevage aux inondations. 

Une nouvelle Draining, Diking, and Irrigation Act (loi sur le drainage, l’endiguement et l’irrigation) est adoptée pour financer la construction d’infrastructures contre les inondations. Une inondation majeure survient et a de graves répercussions, car les agriculteurs produisent désormais à grande échelle. La chambre de commerce de la Colombie-Britannique et le gouvernement provincial se réunissent pour discuter de la lutte contre les inondations et de l’aide aux sinistrés. 

Le plan de lutte contre les inondations tarde à se concrétiser, laissant les pionniers-agriculteurs démoralisés et en colère.

Cette loi consolide la compétence du gouvernement provincial en matière de lutte contre les inondations.

La Commission de l’établissement agraire du ministère de l’Agriculture est chargée d’étudier les moyens d’accroître la production agricole dans la province. 

Le premier ministre John Oliver ordonne l’assèchement du lac Sumas afin de protéger les terres agricoles existantes des inondations et de développer de nouvelles terres agricoles.

Plus de 30 000 volontaires civils et l’armée ont été mobilisés pour apporter une aide aux sinistrés.

Au cours de cette période, la confiance du public dans les infrastructures contre les inondations grandit et les stratégies d’endiguement et d’assèchement pour l’agriculture se multiplient dans la région.

Cette période marque la transformation de l’agriculture de la région, qui passe d’une agriculture à petite échelle à une agriculture à échelle industrielle. La production avicole et porcine augmente alors considérablement. 

Le lac Sumas et la rivière Nooksack, dans l’État de Washington, sortent de leur lit à la suite de fortes pluies. Des milliers de personnes au Canada et aux États-Unis sont évacuées.

2008-2015 

De 2008 à 2015, la province commande des rapports dans le cadre de l’initiative agricole et climatique afin d’étudier l’adaptation de la production agricole aux changements climatiques. Le rapport définitif de l’évaluation des digues des basses-terres continentales, publié en 2015, contient plusieurs conclusions préoccupantes : 

  • Les normes provinciales relatives aux digues sont trop faibles ET la plupart des digues ne respectent pas ces normes déjà peu exigeantes.  
  • Les commissaires, ne disposant pas de données suffisantes, ne peuvent évaluer que 78 % des digues, laissant 22 % des digues dans un état « inconnu ». Voici dans quel état se trouvent les digues évaluées (78 %) : 10 % bon; 36 % moyen; 27 % mauvais; 5 % inacceptable.  
  • Le rapport confirme que les changements climatiques augmentent le risque de rupture des digues et d’inondations extrêmes dans la région. 
  • Or, des fonds NE sont PAS investis dans la réparation ou l’amélioration de l’infrastructure d’atténuation des inondations, mais plutôt dans le renforcement de la capacité agricole.  

Pleins feux sur 2021 

Il est évident que les événements survenus et les décisions prises depuis le milieu du 19e siècle ont contribué à la dévastation causée par les grandes inondations qui ont frappé Abbotsford en 2021. Il convient toutefois d’examiner comment les occasions manquées avant et après la catastrophe ont aggravé la situation pour les animaux et rendu les choses plus difficiles pour les agriculteurs. 

  • 12 novembre – Les météorologues annoncent une tempête de pluie extrême susceptible de provoquer une rivière atmosphérique.  
  • 13 novembre – Début des pluies torrentielles, provoquant en 48 heures l’équivalent de plus d’un mois de précipitations.  
  • 14 novembre – Après les premières coulées de boue, les comptes de médias sociaux d’urgence commencent à émettre des avertissements pour la première fois. Dans certains secteurs, les alertes officielles visant à éviter la panique sont retardées ou inexistantes. Cela entraîne des retards dans les interventions et des pertes encore plus importantes. 
    • Soirée : Abbotsford est placée en état d’urgence local. 
  • 15 novembre – Les communautés commencent à constater les dégâts des inondations et des catastrophes connexes (par exemple, les coulées de boue). 
  • 16 novembre – La station de pompage de Barrowtown risque de lâcher. Plus de 150 volontaires forment une chaîne humaine pour construire un barrage de fortune et l’empêcher de lâcher. 
  • 17 novembre – Déclaration de l’état d’urgence local (la troisième en un an). 
  • 18 novembre – Début des efforts d’aide aux sinistrés à grande échelle. 
  • 19 novembre – Les Forces armées canadiennes arrivent en Colombie-Britannique pour apporter leur aide aux sinistrés.  
    • Des barrages de la police locale retardent l’arrivée des camions de fournitures commandées par le ministère de l’Agriculture. Une fois l’accès accordé, les camionneurs ne savent pas où aller, car il n’y a pas de coordination sur le terrain.   
    • La Réserve vétérinaire canadienne (RVC) a été créée pour fournir une « capacité de pointe » aux efforts d’intervention des vétérinaires locaux, mais le gouvernement de la Colombie-Britannique ne sollicite pas d’aide.  
  • 11 avril 2022 – Levée de l’état d’urgence local.   

Des problèmes de communication entre les acteurs locaux et provinciaux, à l’incapacité du gouvernement de suivre ses propres protocoles d’urgence, en passant par l’échec du Centre des opérations d’urgence chargé de coordonner les différents niveaux d’intervention, de nombreuses instances devraient assumer la responsabilité de l’ampleur des souffrances causées. 

En collaboration avec les chercheuses Stephanie Eccles et Lisa Stoddard, Ph. D., Protection mondiale des animaux a rédigé un rapport complet sur les facteurs qui ont contribué aux inondations dévastatrices d’Abbotsford en 2021, leurs répercussions sur les animaux d’élevage et les communautés, ainsi que les lacunes en matière de gestion des catastrophes. 

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