Comment le documentaire L’orque tueuse a entraîné un impact négatif sur le parc marin SeaWorld
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Laure Boissat, qui a conçu l’indice de protection des animaux, a mené une étude démontrant la contribution du documentaire à la décision prise par SeaWorld de mettre fin à son programme d’élevage d’orques, dans l’espoir que d’autres parcs marins suivent l’exemple.
L’orque Tueuse a montré au grand jour les mensonges de SeaWorld
Le documentaire L’orque tueuse (Blackfish en anglais), sorti en 2013, présente Tilikum, une orque en captivité du parc marin SeaWorld aux États-Unis. S’appuyant sur des entrevues avec d’anciens dresseurs de mammifères marins, il met en lumière différentes conversations et questions relevant du bien-être des animaux concernant l’utilisation d’épaulards au sein des parcs marins comme SeaWolrd ainsi que les dangers auxquels sont confrontés les dresseurs – étant donné que Tilikum a tué la sienne en 2010.
Une année après sa sortie, le cours de bourse de SeaWord a chuté de 33 %. L’entreprise a mis en œuvre une campagne marketing percutante dans l’optique de redorer son image, menant au lancement d’un nouveau spectacle mettant en vedette des orques en 2017, lequel se voulait éducatif en matière de conservation de ces mammifères marins. En 2016, le parc marin a annoncé la fin du programme d’élevage d’orques, faisant des 22 épaulards de l’époque la dernière génération en captivité.
Une nouvelle étude démontre que L’orque tueuse a poussé SeaWorld à mettre fin à son programme d’élevage d’orques
Qu’est-ce qui aurait pu entraîner un tel changement au sein de la politique d’élevage de SeaWord, de sa conception de spectacles et de la chute de sa valeur boursière? J’ai décidé de me renseigner davantage au sujet des répercussions du documentaire L’orque tueuse dans le cadre de ma maîtrise en conservation et en gestion de la biodiversité réalisée à l’Université d’Oxford. Ma recherche, Les documentaires sur la nature à titre de catalyseurs de changements : répertorier l’« effet Blackfish » (en anglais seulement), venait tout juste de paraître dans la revue People and Nature de la British Ecological Society.
Afin de bien saisir ce qui s’est produit, j’ai réalisé 26 entrevues avec d’importants intervenants possédant un éventail d’expertises en matière de conservation marine, de bien-être des mammifères marins et de communication avec les médias. La direction de SeaWorld a refusé d’y prendre part. J’ai constaté que L’orque tueuse avait causé une publicité négative à l’entreprise et avait changé la façon dont les gens considéraient la captivité des mammifères marins. Par conséquent, l’achalandage au site a diminué et sa valeur boursière a chuté.
Les entretiens ont dévoilé trois principales variables expliquant l’énorme impact du documentaire. Premièrement, le film a été diffusé par de grands canaux de distribution comme CNN et Netflix, lui permettant d’atteindre un plus grand public. Deuxièmement, il a su gagner le cœur et l’esprit des gens en ce qui concerne la souffrance animale qui découle du divertissement impliquant des mammifères marins. Troisièmement, L’orque tueuse est tombée à point nommé : le documentaire a profité de la tempête du siècle, laquelle avait pris de l’ampleur créant ainsi un climat culturel approprié pour sa sortie en 2013. Une foule de facteurs, alimentés par l’activisme du bien-être et des droits des animaux, lui a permis de résonner au sein d’un grand public. De plus, SeaWorld a perdu sa crédibilité en le qualifiant de mensonges, sans oublier que sa réponse fût considérée comme lente et insuffisante.
Dans l’ensemble, ma recherche démontre que les documentaires peuvent être de puissants agents de changement. L’« effet Blackfish » continue de faire des vagues et, espérons-le, ouvrira la voie à d’autres parcs marins de cesser les pratiques d’élevage en captivité et de placer leurs animaux dans des sanctuaires.
L’orque tueuse prouve encore une fois que la place des mammifères marins est dans la nature
Bien que le documentaire soit sorti en 2013, il est encore d’actualité, puisque plus de 3000 baleines et dauphins sont toujours captifs dans les zoos, les aquariums ou les parcs marins. Les épaulards sont les plus grands dauphins qui existent et l’un des plus puissants prédateurs. Il n’est donc pas surprenant qu’ils ne doivent pas vivre en captivité, étant donné que la taille moyenne des réservoirs est 200 000 fois plus petite que leur domaine vital. Dans cette situation, les dauphins ne sont pas en mesure d’exprimer l’ensemble de leurs comportements naturels.
Changement de lois et de l’industrie
Nous faisons appel aux gouvernements afin de créer des lois mettant fin à l’élevage en captivité. En 2019, nous avons réussi à l’interdire au Canada. Des territoires de compétence du monde entier, c’est-à-dire le Brésil, la Bolivie, le Canada, le Chili, le Costa Rica, la France, l’Inde, le Luxembourg, la Norvège, la Suisse, le Royaume-Uni et plus récemment, la Nouvelle-Galles du Sud, en Australie, réagissent à la science en adoptant des lois qui proscrivent ou restreignent grandement l’exposition de mammifères marins en captivité.
S’ajoute à ces changements un engagement de cesser de vendre des billets pour les spectacles et les expériences impliquant des dauphins en captivité de la part de grandes marques de tourisme comme Air Canada, Transat, Sunwing, WestJet, TripAdvisor, Virgin Holidays, British Airways Holidays et Booking.com. À l’heure actuelle, nous demandons à Expedia de faire preuve de leadership au sein de l’industrie du voyage et d’arrêter également de vendre des billets pour de telles activités.
Article rédigé par Laure Boissat. Laure Boissat détient une maîtrise en sciences en conservation de la biodiversité de l’Université d’Oxford et a conçu l’indice de protection animale (en anglais seulement) en 2020.
L’« effet Blackfish » continue de faire des vagues et, espérons-le, ouvrira la voie à d’autres parcs marins de cesser les pratiques d’élevage en captivité et de placer leurs animaux dans des sanctuaires.