Pigs in small cages in a factory farm

Affronter le désespoir des fermes-usines

Nouvelles

Emi Kondo, gestionnaire mondiale du multimédia pour Protection mondiale des animaux, a voyagé à travers le monde pour rassembler des images et des histoires puissantes sur notre travail à partager avec nos généreux·ses donateur·trice·s. Des zones de catastrophe à la faune sauvage en passant par les animaux d’élevage en détresse et les sauvetages difficiles, la lentille d’Emi a tout documenté. Sans surprise, ces éléments ont tous été éprouvants pour Emi, mais elle explique que rien ne la préparait au choc de sa première visite d’une ferme-usine d’élevage intensif de porcs au Brésil…

Entrevue avec Emi Kondo, gestionnaire mondiale du multimédia

« Je me souviens qu’en entrant, la première chose qui m’a frappée est l’odeur terrible saturée d’ammoniac qui me brûlait le nez, les yeux et la gorge. J’ai ensuite compris que cette odeur provenait des centaines de truies gestantes coincées dans de petites cages devant moi et forcées de faire tous leurs besoins – uriner, déféquer – à l’endroit où elles mangent. Elles doivent le faire, parce que le système d’élevage ne leur permet pas de se déplacer. » 

Emi se rappelle la détresse qu’elle a ressentie en croisant le regard des truies gestantes alors qu’elle se préparait à les photographier en gros plan pour documenter leur souffrance. 

« Elles avaient toutes un regard sans vie – comme si elles avaient déjà quitté ce monde; comme dans les films montrant parfois le regard et le comportement des gens dans des établissements psychiatriques. J’ai demandé à la spécialiste des animaux d’élevage pourquoi elles avaient ce regard. Sa réponse m’a tellement troublée que je ne l’oublierai jamais. Elle m’a dit que ce comportement s’appelle du “désespoir acquis”. 

Elle m’a expliqué qu’il signifie que les porcs ont appris à ne pas avoir d’espoir en l’avenir, car il est impossible de s’échapper des conditions dans lesquelles ils vivent. » 

A mother pig in a cage so small she cannot turn around

Des truies gestantes dans des cages individuelles, incapables de bouger, de se retourner ou d’avoir des contacts avec les autres porcs durant leur grossesse. | Photo : Emi Kondo

Lors de cette visite, Emi a aussi observé pour la première fois des « stéréotypies » chez les porcs. Ce sont des comportements répétitifs communs chez beaucoup d’animaux en captivité stressés par les conditions contre nature dans lesquelles ils sont forcés de vivre. 

« Les porcs qui n’avaient pas l’air complètement sans vie grugeaient les barreaux de cages qui se trouvaient devant eux sans s’arrêter en suivant le même modèle répétitif. De l’écume coulait de leur gueule. Selon l’explication que j’ai reçue, ils le font parce que leur cerveau les supplie d’exercer une activité : “Fais quelque chose, fais quoi que ce soit pour que ton esprit ne meure pas.” Les voir faire cela m’a tout simplement brisé le cœur. Il a été très difficile de constater tout ce que ces systèmes font subir aux animaux. » 

Raconter la vraie histoire 

Face à une souffrance aussi atroce, Emi explique qu’elle a rapidement compris toute l’importance de son travail afin de montrer aux gens la réalité des fermes-usines. 

« Tellement de gens sont si déconnectés de l’agriculture qu’ils voient les fermes comme de jolies petites granges rouges, de la pelouse verte, des clôtures blanches et des animaux heureux. Le choc est immense lorsque nous entrons dans une ferme-usine et que nous voyons, entendons et sentons la détresse qu’elles infligent. 

Depuis que je me suis jointe à Protection mondiale des animaux, ses spécialistes m’ont appris tellement de choses sur le comportement et la sentience des animaux – le fait qu’ils ressentent des émotions tout comme nous. C’est donc ce que je recherche chaque fois que je suis sur le terrain; j’essaie de montrer des bribes d’émotions et de comportements avec mon appareil photo. De cette façon, je peux aider les gens à comprendre et à conclure qu’il est inacceptable de confiner les animaux et de les traiter ainsi. » 

Pendant sa visite, Emi a photographié la naissance de porcelets. Dans des circonstances normales, une nouvelle vie est synonyme d’espoir, mais pas dans une ferme-usine. Elle explique que les naissances ont été pénibles à observer, parce que les truies étaient encore en cage – incapables de bouger librement ou de se retourner. Et après leur naissance, les porcelets ont été séparés de leur mère par d’autres barreaux. 

« Ils ne pouvaient s’en approcher que pour se nourrir, et elles ne pouvaient pas bouger pour interagir avec eux, pour se blottir contre eux ou pour les protéger de nous, par exemple – pour faire ce que les mères font normalement. » 

Sow and piglet in a factory farm

Une truie mère séparée de ses petits dans une ferme-usine d’élevage intensif. | Photo : Emi Kondo

« Quelqu’un m’a donné un porcelet naissant pour que je le prenne dans mes bras. C’était un magnifique petit animal avec des yeux doux et une peau parfaite – le tenir aurait dû m’apporter une grande joie, mais je ne pouvais ressentir qu’une immense tristesse. Je connaissais la vie qui attendait ces porcelets, ce que les processus de production leur feraient. Je savais également que dans des circonstances normales où elle aurait pu bouger et se comporter naturellement, la mère de ce porcelet l’aurait protégé férocement et ne m’aurait pas laissée – moi, une étrangère – tenir son petit. 

Le lendemain, j’ai photographié la douleur terrible infligée à des porcelets de deux jours élevés industriellement comme celui que j’avais pris dans mes bras. Ils ont été castrés, leur queue a été coupée et leurs dents ont été limées – le tout sans anesthésiant. Leurs cris et leur douleur étaient atroces à entendre et à voir. » 

Infliger de la souffrance et de la tristesse 

Emi explique que la plupart des travailleurs et travailleuses de fermes-usines à qui elle a parlé n’étaient pas ravi·e·s de leur emploi. Ils et elles lui ont expliqué que l’environnement déprimant fondé sur le fait d’infliger de la souffrance leur causait de la détresse et qu’ils et elles se sentaient coincé·e·s. 

« Ils et elles ont dit des choses comme “Nous ne voulons plus faire ce travail… Ce n’est pas le genre d’emplois que nous voulons avoir. Mais ce sont les seuls emplois disponibles dans la région.” » 

Depuis qu’elle travaille chez Protection mondiale des animaux, Emi a photographié environ 15 élevages intensifs de porcs et elle affirme que la tâche ne devient jamais plus facile, même si elle sait maintenant à quoi s’attendre. En revanche, ses visites d’élevage de porcs axés sur un plus grand bien-être lui apportent une grande joie et lui donnent l’occasion d’observer des comportements naturels. 

« Observer le comportement normal d’une mère avec ses porcelets est si amusant, en plus de nous permettre de comprendre véritablement la façon dont ils créent des liens et des hiérarchies et communiquent naturellement. Par exemple, j’ai vu des truies appeler leurs petits pour qu’ils viennent se nourrir et émettre différents sons pour les corriger. J’ai vu une truie inviter deux petits à arrêter de se chamailler aussi brusquement. Un seul grognement de colère a suffi à les séparer! » 

Travailler avec les comportements naturels 

Emi explique que l’atmosphère des élevages en liberté est aussi très différente pour les travailleur·euse·s. Ils et elles sont capables de développer une compréhension des comportements naturels des porcs et de leurs personnalités individuelles, en plus de pouvoir s’en occuper avec empathie. « Dans un élevage, j’ai été tellement ravie de voir une personne qui y travaillait assister une truie pendant son accouchement – allant même jusqu’à la brosser pour l’aider à se détendre et pour l’apaiser. » 

C’est dans cette ferme qu’Emi a pris l’une de ses images préférées. 

« C’est celle d’une truie qui profite de la chaleur des premiers rayons du soleil à l’aurore. Elle a fermé les yeux avec tellement de plaisir alors que les rayons du soleil augmentaient en intensité. Je me souviens très clairement de ce moment parce que cette truie agissait comme nous – quand nous n’avons pas vu le soleil depuis un certain temps et que nous voulons profiter un peu de ses rayons. » 

A pig at a free-range farm

Une mère truie profitant des rayons du soleil dans un élevage de porcs en liberté. | Photo : Emi Kondo

Emi explique qu’elle continue de documenter les vies des animaux d’élevage – leur sentience, leurs personnalités et leurs émotions. Après 10 ans, son engagement auprès de Protection mondiale des animaux demeure aussi fort. 

« Il est toujours triste de visiter ces fermes et de voir les animaux. Nous voulons tous sauver chacun d’eux, mais lorsque nous avons un travail à faire, ce n’est pas toujours possible. Je dois sans cesse me rappeler la situation dans son ensemble et la façon dont leurs histoires permettent de sensibiliser les gens et de montrer leur réalité à un public plus vaste. Je suis déterminée à faire en sorte que les gens comprennent pourquoi nous devons mettre un terme à l’agriculture industrielle – leur montrer ce que cela signifie afin qu’ils se mobilisent contre ce système… Il n’y a pas de grange rouge… pas de clôture blanche… pas de pelouse verte… il n’y a que des animaux qui souffrent et du désespoir acquis. » 

Vous pouvez contribuer à mettre fin à cette souffrance en demandant la fin de l’agriculture industrielle au Canada 

Signez notre pétition pour envoyer un message au gouvernement fédéral : nous exigeons un moratoire qui mettra fin à la construction de nouvelles fermes-usines au Canada.  

Les souffrances qu’elles infligent à des animaux innocents sont incessantes. Elles ne s’arrêtent jamais.  

Tant que cette pétition ne sera pas prise au sérieux et qu’un moratoire ne sera pas mis en place, de nouvelles fermes-usines continueront d’être construites au Canada, sans égard pour le bien-être des animaux, les communautés locales et l’environnement. 

Signez la pétition