Poules, rats, chiens et chats – Pourquoi préférons-nous certains animaux à d’autres?

10/12/2015

Helen Proctor lors de sa recherche sur la sentience et les vaches laitières

J’ai récemment reçu d’un ami une superbe vidéo sur des rats dressés. Je me suis mise à réfléchir au spécisme : pourquoi préférons-nous les animaux doux et câlins?

Cette vidéo montre d’adorables rats dressés à exécuter une foule de tours. Ce type de vidéo m’excite toujours. Celle-ci montre cet animal « nuisible » sous le jour d’un être très intelligent, charismatique et capable d’émotions. Malheureusement, on tue d’innombrables rats chaque année en recourant à des méthodes souvent cruelles et même illégales.

Le rat et les émotions

Les études abondent sur la sensibilité des rats. Ils peuvent ressentir toute une gamme d’émotions, comparables à celles de l’homme (Balcombe, 2010; Proctor, Carder & Cornish, 2013).  Par exemple, les chercheurs ont découvert que le rat exprimait la souffrance à travers ses expressions faciales, comme nous (Sotocinal, Sorge & Zaloum, 2011).

Les chercheurs ont aussi démontré l’empathie entre rats d’une même cage. Un rat va chercher à libérer un compagnon de cage, même quand on les empêche d’entrer en contact. Il le fait même si on lui offre du chocolat (sa collation préférée), préférant libérer son compagnon d’abord pour partager ensuite son chocolat avec lui (Bartal, Decety & Mason, 2011). En feriez-vous autant pour un ami? On croit souvent que l’empathie est propre aux humains, mais ce n’est pas le cas.

Malgré la recherche croissante sur la vie émotive des rats, plusieurs les traitent encore d’une façon impensable avec un chien ou un chat. À preuve, les animaleries placent souvent le poison et les pièges à rats tout près des jouets et gâteries pour chiens. Comme le chien, le rat peut souffrir et avoir mal, ressentir la joie et avoir du plaisir. En fait, si vous n’êtes pas convaincu, regardez cette superbe vidéo du professeur et chercheur Jaak Panksepp, qui démontre que le rat aime se faire chatouiller par l’humain, qu’il vient le demander et qu’il rit quand on le chatouille (Panksepp & Burgdorf, 2003).

Spécisme

Pourquoi accordons-nous donc plus d’importance aux émotions des chiens et des chats qu’à celles des rats ou des animaux d’élevage, comme les poules? Peu importe que l’animal ait un beau pelage, des écailles ou des plumes; qu’il vive avec nous ou qu’on le serve à table. Et peu importe qu’il soit intelligent ou non. Ce qui compte c’est ce qu’il ressent.

Puisque la science a démontré que tous les mammifères, les reptiles, les oiseaux, les poissons, et certains invertébrés ressentaient les émotions et les états comme la souffrance (Bekoff, 2005; Proctor, 2012), je crois qu’on devrait tous les traiter de la même façon et tenir compte de leurs émotions et besoins, comme on le fait pour nos chiens et nos chats.

Du côté des poules

On croit souvent que la poule est un animal sans cervelle ni sensibilité. C’est tout à fait faux. Les poules sont beaucoup plus intelligentes qu’on ne voudrait le croire.  Et surtout, les poules peuvent souffrir. Hélas, elles souffrent affreusement dans de nombreux élevages intensifs!

La poule est en fait un animal remarquable. Si elle a le choix, elle peut se soigner elle-même : elle choisira une moulée avec antidouleur quand elle a mal, et une moulée normale quand elle se sent bien (Danbury, Weeks, Waterman-Pearson, Kestin, & Chambers, 2000). Elle partage même nos critères de beauté humaine, et préfère les belles personnes (Ghirlanda, Jansson, & Enquist, 2002). Et vous croyez que toutes les poules se ressemblent? Elles ne sont pas si bêtes, puisqu’elles peuvent distinguer des humains semblables, bien qu’ils soient d’une espèce différente (Davis & Taylor, 2010).

Alors, pensez-y à deux fois avant de voir le rat comme un parasite ou la poule comme un animal sans cervelle. Souvenez-vous que les rats peuvent jouer et prendre soin les uns des autres, et que les poules sont beaucoup plus évoluées que vous ne l’auriez cru. Et surtout, les rats et les poules n’aspirent qu’à une vie normale.

Découvrez notre travail pour protéger les animaux d’élevage partout au monde.

Lecture recommandée

Balcombe, J. (2010). Laboratory rodent welfare: thinking outside the cage. Journal of Applied Animal Welfare Science : JAAWS, 13(1), 77–88. doi:10.1080/10888700903372168

Bartal, I. B. A., Decety, J. & Mason, P. (2011). Empathy and Pro-Social Behavior in Rats. Science, 334(6061), 1427–1430. doi:10.1126/science.1210789

Bekoff, M. (2005). Animal Emotions and Animal Sentience and Why They Matter : Blending “ Science Sense ” with Common Sense , Compassion and Heart. In J. Turner, J; D’Silva (Ed.), Animals, Ethics and Trade: The Challenge of Animal Sentience (pp. 27–40). London: Earthscan.

Danbury, T. C., Weeks, C. A., Waterman-Pearson, A. E., Kestin, S. C. & Chambers, J. P. (2000). Self-selection of the analgesic drug carprofen by lame broiler chickens. Veterinary Record, 146(11), 307–311.

Davis, H. & Taylor, A. (2010). Discrimination between individual humans by domestic fowl ( Gallus gallus domesticus ) Discrimination between individual humans by domestic fowl ( Gallus gallus. British Poultry Science, (October 2011), 37–41. doi:10.1080/0007166012004856

Ghirlanda, S., Jansson, L. & Enquist, M. (2002). Chickens prefer beautiful humans. Human Nature, 13(3), 383–389.

Panksepp, J. & Burgdorf, J. (2003). “Laughing” rats and the evolutionary antecedents of human joy? Physiology & Behavior, 79(3), 533–547.

Proctor, H. S. (2012). Animal Sentience: Where Are We and Where Are We Heading? Animals, 2(4), 628–639. doi:10.3390/ani2040628

Proctor, H. S., Carder, G. & Cornish, A. (2013). Searching for Animal Sentience: A Systematic Review of the Scientific Literature. Animals, 3(3), 882–906. doi:10.3390/ani3030882

Sotocinal, S., Sorge, R. & Zaloum, A. (2011). The Rat Grimace Scale: a partially automated method for quantifying pain in the laboratory rat via facial expressions. Molecular Pain, 7(1), 55.